
Il est fort probable que lorsqu’on parle de collage, on pense aux cours d’arts plastiques à l’école primaire. Mais désormais, des artistes du monde entier ont prouvé que la pratique est devenue un genre aussi respectable que la peinture. Les œuvres de Kurt Schwitters, Hannah Höch, Barbara Kruger, Richard Hamilton, Peter Beard, Jacques Villeglé et tant d’autres en témoignent.
Lorsque Haibat Bala Bawab a présenté un projet de collage au cours de son parcours universitaire, son professeur Adel Sagir l’a vivement encouragé à poursuivre dans cette voie : « Le collage est votre avenir », prédit-il. – Amin al-Bach, qui était un grand ami, l’artiste témoigne pour sa part, appuiera cette opinion en me disant : – Tu mesure très bien la matière, tu iras loin. »
C’est ainsi que pour la future grande collagiste, les ciseaux, les découpes et la colle deviendront sa vie. Vieux journaux, magazines, papiers ou emballages de couleur, fragments de photos, tissu, matériaux solides ou peinture accumulée, pages arrachées à des magazines, lettres oubliées au fond d’une boîte, billets d’avion, tickets de cinéma, factures de restaurant, tout deviendra matière à Faire partie d’une toile possible. A travers ces éléments, Haibat Balaa Bawab parviendra à créer une composition originale et imaginative. “Je découpais, triais, par matière, par couleur, par thème et quand une texture ou une scène de rue me plaisait, ça me renvoyait à une idée, alors j’ai pris mon mètre étalon et mon carnet de croquis pour mettre en page rapidement ma composition. , témoigne l’artiste. Un jour, alors que je me rendais à l’université où j’étudiais, un bus traversant une avenue pleine à craquer de visages et de silhouettes s’enlaçant, m’a inspiré pour faire un tableau. J’ai hâte de finir mon cours et retourner dans mon atelier. Une voisine qui a laissé son tapis persan sur les balustrades d’un balcon à l’ombre des arbres et voilà que ma toile est déjà construite. Ma tête ne s’arrête jamais de travailler.
A la galerie Art on 56th, Balaa Bawab expose des œuvres où elle expérimente une nouvelle technique.
Beyrouth est plongée dans l’obscurité et sa population impuissante : une scène de collage de Haibat Balaa Bawab. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et Art on 56th Gallery.
De la découpe à la création
Née à Beyrouth en 1952, Haibat Balaa Bawab a obtenu son baccalauréat ès arts (BA) en beaux-arts en 1975 au Beirut University College (BUC, aujourd’hui l’Université libanaise américaine – LAU) et y a enseigné pendant 17 ans. De 2001 à 2022, elle a été coordonnatrice des beaux-arts et enseignante à l’American University of Science and Technology (AUST). Diplômée au début de la guerre civile libanaise, elle a naturellement commencé par dépeindre des scènes violentes : une voiture qui a explosé, les dégâts dans une ville qui a traversé l’enfer, une famille coincée entre ciel et terre, une femme en deuil, des familles qui se cachent. Dans les cages d’escalier. La force de cette artiste réside dans le fait qu’elle a réussi à donner au collage le statut d’une pratique en soi, d’un genre défini, d’un langage comme un autre, soucieux d’équilibre, de formes et de valeurs. La peinture figurative ou l’abstraction peut l’être.
Elle est capable de faire du neuf à partir de l’usagé, de composer des totalités en faisant triompher le fragment. De ses créations découle une volonté d’atteindre des accords, de soigner et d’assurer la concordance des tons, le groupement des couleurs, tout en usant d’un savant contraste. Une attention constante pour construire ses assemblages ou ses collages aussi habilement et avec autant d’attention particulière qu’avec des peintures à l’huile.
Comme un acte de magie
Au premier regard, ses œuvres se distinguent par des couleurs vives, des visages de femmes, d’hommes et d’enfants. Plus on regarde de près, plus on voit du papier déchiré à la main, parfois l’utilisation de morceaux de soie, ou encore des matériaux qui sont principalement associés à la peinture. Celle qui a toujours fondé son travail sur la reconversion de divers matériaux utilisés comme matière première, en associant plusieurs médiums : extraits de journaux avec ou sans texte, photos, papiers peints, documents… jouant avec la fine frontière entre peinture et montage, décidant Pour créer son propre matériel de collage. Ainsi le collage sera fait de papier créé par vous-même avec plusieurs techniques : sur papier de soie, sur toile, à la gouache ou à l’encre. Il ne s’agit plus de récupérer du papier, mais de créativité pour développer ses compositions qui sont bien plus que de belles images réunies. Son art se caractérise par un processus et une esthétique uniques, et ses œuvres artistiques loin de l’abstraction racontent toujours une histoire, dégagent une émotion ou expriment une idée. Dans le processus de création, l’artiste trouve une forme de libération : il s’agit de la révolution d’Octobre, de la jeunesse dans la rue, des grands départs et évasions, de Beyrouth dans le noir, une jeunesse vide, des files interminables pour les ambassades de la liberté. Visa et Port Silo. Pour l’artiste, il est nécessaire d’être en communication avec son peuple et sa souffrance comme un moyen de prendre conscience et de partager avec le public. L’artiste parvient, presque comme par magie, à marier les papiers et à leur donner un sens malgré leur absence de rapport entre eux.
“Local Inspirations” de Haibat Balaa Bawab, à la Galerie Art on 56, Mar Mikhaël, jusqu’au 4 février 2023.
Il est fort probable que lorsqu’on parle de collage, on pense aux cours d’arts plastiques à l’école primaire. Mais désormais, des artistes du monde entier ont prouvé que la pratique est devenue un genre aussi respectable que la peinture. Les œuvres de Kurt Schwitters, Hannah Höch, Barbara Kruger, Richard Hamilton, Peter Beard, Jacques…