
L’économie péruvienne paralysée par la crise politique
Les pénuries et l’inflation s’aggravent dans plusieurs régions du sud du Pérou en raison des nombreux barrages routiers érigés par les manifestants, qui continuent d’exiger sans relâche la démission de la présidente Dina Boluarte.

Les stands de légumes et de fruits sont presque vides sur un marché alimentaire de la ville d’Arequipa, au sud des Andes, au Pérou, le 25 janvier 2023.
Diego Ramos/AFP
De nouveaux affrontements ont éclaté mercredi lors d’une autre journée nationale de protestations alors que la crise entrait dans sa sixième semaine.
Dans la région d’Ica, à 250 km au sud de Lima, il y a eu une lutte acharnée contre les manifestants qui bloquaient la route panaméricaine et la police qui tentait de les disperser. Des manifestants encagoulés ont lancé des pierres sur la police, qui a tiré des gaz lacrymogènes, selon des images télévisées.
Dans la matinée, plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés pacifiquement devant l’ambassade des États-Unis à Lima pour protester contre le soutien de Washington au gouvernement de Dina Boluarte. “Nous sommes le peuple, pas des terroristes”, ont déclaré les manifestants.
Mardi, la capitale a été le théâtre des manifestations les plus violentes depuis le début des troubles.
Les manifestants réclament la démission du président, la dissolution du parlement, l’organisation de nouvelles élections malgré leur report à 2024, et la création d’une assemblée constituante. En six semaines de crise, les affrontements ont fait 46 morts, dont un policier.
“Je ne capitulerai pas devant des groupes autoritaires qui veulent imposer des solutions qui ne font pas partie de notre ordre constitutionnel ou de notre tradition démocratique”, a insisté mercredi Mme Boluarte lors d’une intervention virtuelle devant l’Organisation des États américains (OEA).
Nourriture de base et carburant
Selon les autorités, 85 barrages routiers ont été érigés dans neuf des 25 régions du Pérou dans la nuit de mercredi à jeudi. L’aéroport de Cuzco, la capitale touristique du pays, a été fermé mardi soir mais a rouvert mercredi. Ceux de Puno et d’Arequipa restent fermés.
L’impossibilité d’échanger des marchandises, notamment dans les régions du sud, épicentre des protestations, a commencé à provoquer des pénuries et des hausses de prix.
Les stations-service d’Arequipa, Tacna et Puno n’ont plus de gaz de pétrole liquéfié (GPL), le principal carburant des véhicules au Pérou.
“Le gaz de pétrole liquéfié a disparu à Arequipa”, a déclaré à la radio RPP Alexander Cornejo, un représentant des chauffeurs de taxi, s’inquiétant de la situation de 7 000 chauffeurs locaux.
“Tout cela nous nuit, pas au gouvernement, pas aux représentants, car ils ont des salaires. Je dois nourrir ma famille”, Luis, un chauffeur de taxi de Cuzco qui a refusé de donner son nom de famille, s’est plaint auprès de l’AFP du manque de carburant.
Dans la région de Puno, à 1 350 km au sud de Lima et théâtre des manifestations les plus violentes au cours desquelles 18 personnes sont mortes, les prix des tomates et des pommes de terre, denrées de base, ont triplé.
“Situation complexe”
“Les prix des fruits et légumes ont augmenté. Tout est devenu plus cher. Il me semble qu’ils devraient laisser passer les véhicules qui nous approvisionnent”, a déclaré à l’AFP Jacqueline Flores, une habitante de Puno.
Mercredi à Genève, devant le Conseil des droits de l’homme (CDH), où des représentants de plusieurs pays ont condamné “l’usage excessif de la force” par les autorités lors des manifestations, le ministre de la Justice José Andrés Tello s’est dit “convaincu que nous agissons de manière appropriée pour défendre la démocratie et les droits de l’homme » dans une « situation complexe ».
Le gouvernement péruvien a protesté mercredi auprès de l’ambassadeur du Chili à Lima après les propos du président chilien Gabriel Borico lors du sommet latino-américain de Buenos Aires. M. Borić a affirmé que les manifestants au Pérou « sont abattus par ceux qui sont censés les défendre ».
Les troubles ont commencé le 7 décembre à la suite de la destitution et de l’arrestation du président socialiste Pedro Castillo, accusé d’avoir tenté un coup d’État pour dissoudre le parlement qui s’apprêtait à le renverser.
Mme Boluarte, son ancienne vice-présidente et opposante aux élections de 2021, de même origine modeste et andine que lui, l’a remplacé dans le respect de la Constitution, mais les manifestants la considèrent comme une “traître”.
Surtout, la crise reflète le grand écart entre la capitale et les provinces pauvres, qui ont soutenu M. Castillo et ont vu dans son élection une revanche sur ce qu’elles considèrent comme un mépris pour Lima.
AFP
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